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Problèmes de traduction
En 2009, on recensait près de 7 000 langues à travers le monde. En comparaison de cette grande diversité, l’ONU reconnaît 141 langues officielles et seulement 34 langues sont parlées par plus de 50 millions de personnes. Mais comment traduire d’une langue vers une autre, comment basculer d’une langue à une autre ?
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La traduction est définie comme le fait de faire passer un texte d’une langue source à une langue cible. Mais une langue est liée à un ensemble de contextes.
Tout d’abord le contexte textuel, du texte en lui-même. La traduction doit être cohérente à tous les niveaux du texte : ce dernier dans son intégralité, mais aussi les chapitres, les paragraphes, les phrases, les groupes de mots, les mots eux-mêmes voire jusqu’aux syllabes. Pour un texte informatif, le plus important sera de conserver le contenu de celui-ci, l’information qu’il contient. Mais ce genre de traduction serait-il pertinent pour un poème ? Non, ce qui importe dans ce cas c’est l’esthétique du texte.
En français, la tradition la plus connue pour la poésie consiste à faire rimer les vers, mais ce n’est pas forcément le cas dans toutes les langues. En japonais, le haïku est un poème qui se concentre sur le rythme et les syllabes. Comment traduire un haïku en français alors ? Faut-il garder la rythmique du poème ou alors transformer le texte pour le faire rimer ? Il n’y a pas de bonne réponse à cette question, cela dépendra de la volonté et de la sensibilité de la personne qui s’occupe de la traduction.
La langue, objet culturel
Ensuite, il y a le contexte de la langue et de la culture qui y est associée. Certaines émotions ou sentiments sont spécifiques à certaines cultures, et possèdent des noms qui ne sont pas traduisibles littéralement dans toutes les langues. Ainsi en allemand on utilise le terme « Schadenfreude », qu’on peut traduire par « joie malsaine », désignant un sentiment de joie que l’on peut ressentir devant le malheur de quelqu’un. On peut traduire en français par l’expression « se réjouir du malheur d’autrui », en anglais on préférera l’emprunt du mot allemand.
En Norvège, on emploie le mot « peiskos » pour décrire le sentiment de bien-être que l’on ressent près du feu. Un autre élément culturel est la perception des couleurs. Ainsi en mandarin le mot « qing » désigne l’ensemble des nuances de bleu et de vert, qui sont les couleurs correspondant à la Nature. Un phénomène similaire se trouve en breton avec le mot « glaz » qui est utilisé pour désigner le même ensemble de couleurs qui correspondent aux couleurs de la mer.
Enfin le contexte de l’époque. Comment traduire une langue ancienne en une langue actuelle ? Comment connaît-on la signification des mots de telles langues. On peut tracer l’histoire de la langue, à partir de ses langues filles. Le latin en est un bon exemple : en étudiant les langues actuelles qui en découlent, comme le français, l’espagnol ou le roumain, on a pu recouper l’étymologie des mots et retrouver la signification des mots des textes latins des différentes époques. Mais c’est plus compliqué quand on ne connaît pas de langues actuelles qui descendent d’une langue morte.
Un cas d’école : la pierre de Rosette
C’est le cas de l’égyptien ancien que l’on n’a pas su déchiffrer pendant très longtemps. C’est avec la découverte de la pierre de Rosette que Jean-François Champollion réussit à décrypter l’égyptien ancien. Mais qu’est ce qui rend cette pierre si particulière ? Et bien sur cette pierre est gravé un texte. En trois langues différentes. Du grec ancien, de l’égyptien démotique et de l’égyptien ancien écrit en hiéroglyphes. Si à cette époque on connaît le grec ancien, on ne sait pas déchiffrer l’égyptien. Mais puisque le texte est le même dans les trois langues Champollion et bien d’autres avant lui vont pouvoir, en 20 ans, décrypter le texte. I·elles ont commencé par le grec, relativement bien connu, puis i·elles ont fait le lien avec l’égyptien démotique une version simplifiée de l’égyptien ancien en hiéroglyphes. I·elles se sont basé·es entre autres sur des noms étrangers retranscrits phonétiquement dans les deux versions de l’égyptien.
La traduction est ainsi un effort de longue haleine, où il faut se renseigner sur les intentions de l’auteur·rice, appréhender la grammaire et comprendre la culture associée à la langue que l’on souhaite traduire.
Gwendal SURZUR