Gautier Depambour raconte une nouvelle histoire de la physique
Chercheur en histoire des sciences et médiateur scientifique, Gautier Depambour nous emmène au cœur de ses multiples métiers. Aujourd’hui, cet ingénieur de formation retrace dans sa thèse le développement de l’optique quantique, un champ de recherche en physique dont l’histoire n’a encore jamais été racontée.
Pianiste, magicien à ses heures perdues, ingénieur diplômé, médiateur scientifique et chercheur en histoire de la physique, Gautier Depambour a plus d’un tour dans son sac. Depuis ses études à l’École Centrale de Paris (désormais appelée CentraleSupélec), il n’a cessé de s’investir dans de nombreux projets tant dans la musique que dans les sciences.
Lors d’un entretien réalisé le 11 novembre 2020, Gautier Depambour explique que c’est surtout un stage de fin d’études en optique quantique au Laboratoire Kastler-Brossel (dit « Laboratoire aux trois prix Nobel ») qui va l’orienter dans la recherche dans ce domaine. Gautier Depambour nous présente ce lieu d’expérimentation : « Dans ce laboratoire se trouve le groupe d’électrodynamique quantique en cavité qui, depuis de nombreuses années, teste des principes fondamentaux de la mécanique quantique, cette théorie qui décrit notre monde à l’échelle de l’infiniment petit avec une incomparable précision. » [1]. Durant son stage, il contribue à une expérience dont l’objectif est de piéger des grains de lumière, appelés photons, dans deux cavités. Cette technique permet de les observer, d’étudier leurs comportements et ainsi de mieux comprendre ce qu’est la lumière. Pour lui, l’originalité et la beauté des expériences en optique quantique consiste « à créer des systèmes très simples avec une instrumentation très complexe ».
Après ce stage, Gautier Depambour décide de ne pas suivre le chemin ordinaire d’un ingénieur centralien. Sa passion pour la physique, la philosophie et l’histoire des sciences le rattrape et il choisit de s’engager dans la voie de la recherche. En 2019, il obtient une bourse de thèse de la Fondation CFM (Capital Fund Management) pour étudier au laboratoire SPHERE (Sciences, Philosophie, Histoire) la naissance et le développement de l’optique quantique des années 1960 aux années 1980.
L’optique quantique
Qu’est-ce que l’optique quantique ? Gautier Depambour nous éclaire sur ce sujet : « L’optique quantique est une branche de la physique qui décrit la lumière et ses interactions avec la matière à l’aide de la théorie quantique. » [2]. La mécanique quantique nous dit que suivant l’expérience qu’on choisit de réaliser, les objets quantiques peuvent se comporter comme des ondes ou comme des particules [3]. C’est le cas de la lumière, qui est constituée de photons (objets quantiques) qui se comportent comme des petits corps dans leurs interactions avec la matière, et comme des ondes dans leur propagation. L’optique quantique tente d’intégrer ces deux aspects à l’aide de la théorie quantique.
Une histoire éclairante
« Qu’est devenue la lumière dans la deuxième moitié du XXe siècle ? » C’est ce que Gautier Depambour cherche à explorer dans sa thèse [4]. Dans les années 1960, affirmer que la lumière est de nature quantique n’était pas évident. En effet, à l’époque, la plupart des physicien·nes travaillant dans le domaine de l’optique se contentaient d’une description classique (donc ondulatoire) de la lumière, établie au XIXe siècle. Or en 1963, le physicien américain Roy Glauber introduisit une nouvelle théorie quantique de la lumière : cette dernière est à la fois vue comme un corps et comme une onde. Cependant, une partie du monde scientifique n’accepta pas cette révolution conceptuelle, ce qui entraîna des débats pendant de nombreuses années. « Je cherche à savoir comment la communauté de l’optique s’est convaincue de la nécessité d’utiliser la mécanique quantique pour décrire la lumière. » [5] Cette histoire de l’optique quantique n’a pour l’instant jamais été racontée. Sentir qu’il apporte de nouvelles perspectives dans son domaine de recherche constitue pour ce doctorant la force de son métier.
Bâtir une histoire
« La constitution du corpus est un éternel sujet. » [5] Travailler sur des sources primaires est essentiel pour les historien·nes des sciences. Gautier Depambour se penche sur des articles et des ouvrages des années 1950 à 1980, des anciennes interviews, des cours de l’époque, etc. Il effectue également de nombreux entretiens. Effectivement, il saisit l’opportunité du confinement pour réaliser un maximum d’interviews à distance d’acteur·rices de son histoire et de les retranscrire. L’enregistreur est devenu l’outil de travail de cet historien des sciences confiné. Même si cette source n’est pas la plus fiable dans sa thèse, cette activité lui parait être la plus intéressante dans son travail : « Interroger les gens et comprendre leur point de vue, c’est ce qui me plaît le plus dans mon activité de chercheur. ».
Un goût pour la médiation scientifique
Gautier Depambour s’est toujours investi dans de nombreuses actions de médiation scientifique. Il a notamment écrit des articles pour Science & Vie et réalisé le site de vulgarisation scientifique d’Étienne Klein. [6] Après cinq mois au CERN dans le groupe de communication du détecteur ATLAS, il a rédigé un livre intitulé Une Journée au CERN pour raconter cet univers de la recherche au grand public.
Même s’il a à cœur de mener son travail de recherche au bout et du mieux possible, il souhaite, dans le futur, se tourner vers la médiation des sciences. Son modèle ? Étienne Klein, célèbre vulgarisateur et philosophe des sciences. D’ailleurs, durant cette année, ces deux médiateurs ont tous deux écrit un livre intitulé Idées de génies, Les 33 textes qui ont bousculé la physique qui sortira en février 2021. Cet ouvrage introduit et contextualise 33 textes qui ont marqué l’histoire de la physique en apportant une idée forte.
Son désir de communiquer les sciences ne s’arrête pas à la rédaction d’ouvrages. Actuellement, il organise et participe au congrès mondial TimeWorld. Dans les années à venir, il souhaite plus s’investir dans cet évènement et les plateformes de vulgarisation qu’il y a autour. TimeWorld est un congrès qui a vocation à se dérouler chaque année à Paris et à l’étranger. Cette année, c’est le thème du hasard qui sera abordé sous quatre aspects : le hasard mesuré, le hasard du vivant, le hasard perçu et le hasard dans l’art. L’événement se déroulera les 1, 2, 3 juillet 2021 au Conservatoire national des arts et métiers à Paris. Gautier Depambour a donc de beaux projets de médiation des sciences pour 2021.
Terminons la rencontre avec Gautier Depambour sur quelques notes de musique pour le plaisir de notre ouïe. Effectivement, n’oublions pas que cette semaine de culture scientifique organisée par les étudiant·es de l’Université Bordeaux Montaigne est dédiée à L’Enquête des sens.
Noëlle KRAJCMAN
« Je n’aurais pas été là si…
… je n’avais pas vu, quand j’étais petit, l’émission de Brian Greene sur la théorie des cordes : la passion pour la physique ne m’a dès lors plus quitté. »
[1] Chaine Ideas in Science. L’ubiquité Dans Le Monde Quantique. URL = https://youtu.be/-OPn4zpKFZg (Page consultée le 23/11/2020).
[2] Site de Gautier Depambour. Thèse [En ligne]. URL = http://gautierdepambour.fr/these/ (Page consultée le 23/11/2020).
[3] Chaine ScienceEtonnnante. Les inégalités de BELL & les expériences d’Alain ASPECT [En ligne]. URL = https://www.youtube.com/watch?v=28UN70790Do (Page consultée le 23/11/2020).
[4] Site de Gautier Depambour. Thèse [En ligne]. URL = http://gautierdepambour.fr/these/ (Page consultée le 23/11/2020).
[5] Propos recueillis lors d’un entretien personnel avec Gautier Depambour, le 11/10/2020, par Skype.
[6] Site de Gautier Depambour. Parcours [En ligne]. URL = http://gautierdepambour.fr/parcours/ (Page consultée le 23/11/2020).